Date de sortie : 06 octobre 2023 | Label : Icy Cold Records
Bien que l’on retrouve immédiatement tout ce qui fait que Varsovie est (a toujours été et restera) Varsovie, il se dégage indubitablement de Pression À Froid des effluves inédites. D’abord, envolée la figure féminine allégorique qui orne habituellement la pochette du moindre opus. Elle était déjà en voie de dissolution sur L’Ombre Et La Nuit et laisse désormais la place à un chat blanc sur fond très noir. Ensuite, il me semble que le duo, de plus en plus, envoie valdinguer bien loin toute forme de fioritures pour ne garder que le nerf. Alors, que l’on ne s’y trompe pas, Varsovie a toujours préféré garder intacts ses angles mais il me semble que ces neuf nouveaux morceaux vont encore plus directement à l’essentiel et atteignent une forme d’épure. Et ça se retrouve aussi dans les textes – toujours aussi écrits – d’Arnault Destal : un peu moins dans le récit me semble-t-il, un peu plus dans la description de sensations et/ou d’émotions (même s’il ne s’agit nullement d’un catalogue de slogans). Bref, même si cela pourrait paraître imperceptible, il ne fait aucun doute que Varsovie mute et continue à sortir, à chaque fois, son meilleur album.
Alors bien sûr, on retrouve toujours le post-punk tendu et sombre, le chant en français assumé et le peu d’appétit pour la légèreté et le solaire. Le duo préfère malaxer la déliquescence et le béton, la guerre et l’absence de repères, le pas simple qu’il injecte dans le moindre atome du moindre morceau. Les fondations sont posées une fois pour toute mais ça n’empêche pas les murs de bouger au-dessus.
Le chant et la basse constituent l’apex des morceaux, la guitare remplit les interstices et la batterie fournit la chair et c’est peut-être de là que provient cette sensation d’immédiateté. Les structures sont plus minimalistes, plus resserrées (comme les mots), le curseur s’est imperceptiblement rapproché de la borne punk. Difficile d’extirper un morceau plutôt qu’un autre, Pression À Froid s’envisage plutôt comme un tout où des moments succèdent à des impressions qui succèdent à des flashs (« Dans la rue noire une portière claque / Ça vaudrait la peine d’aller voir » par exemple) bien que chaque titre ait sa couleur propre. Rien n’y est interchangeable et tout est à sa place : les nappes presque dansantes de Pochodeň číslo Jedna qui s’échouent sur une guitare angulaire, les accents death rock d’Artefacts, l’EBM très goth de Structure et ainsi de suite dessinent un album tout à la fois monolithique et fragmenté, toujours sur le fil du rasoir.
Plus que jamais, la paire Arnault Destal/Grégory Cathérina maîtrise sa musique et c’est sans doute ce qui la rend aujourd’hui si spontanée, si singulière. Elle s’habille d’un velours lourd mais qui n’est jamais prétentieux ou saugrenue.
Varsovie ne ressemble à rien d’autre qu’à lui-même et on voit bien tout le chemin parcouru depuis l’inaugural Neuf Millimètres (2005), un chemin qui a toujours été jusqu’ici strictement ascensionnel et qui atteint, avec Pression À Froid, une forme d’épiphanie.
leoluce