The Drin – Elude The Torch

Date de sortie : 28 juin 2024 | Labels : Feel It Records

Un poil surprenant, Elude The Torch.
Pourtant on y retrouve bien tout ce que l’on trouvait déjà sur Today My Friend You Drunk The Venom (2023) ou Down River In The Distance (2022) ou même Engines Sing For The Pale Moon (2021) alors que dans l’intervalle, The Drin a muté, est passé du statut d’entité solitaire cornaquée par le seul Dylan McCartney à celui de véritable groupe réunissant six personnes. L’album malaxe toujours les mêmes obsessions pas du tout guillerettes mais dans le même temps, les compositions se sont étoffées. Normal pourrait-on dire puisqu’ils sont plusieurs désormais. Enfin, oui… mais non.
Ils étaient déjà six en 2023 mais il me semble qu’il n’y avait pas une différence aussi marquée entre l’album d’alors et celui d’avant – où McCartney était quasi-tout seul (épaulé il est vrai sur quelques titres par Dakota Carlyle des tout aussi remarquables Crime Of Passing) – qu’avec celui d’aujourd’hui.
La musique de The Drin s’est étoffée donc et ça n’a rien à voir avec le fait qu’ils sont maintenant six. Ce n’est pas plus charpenté, ça n’a pas non plus gagné tant que ça en densité. C’est étoffé mais ça reste drastiquement pelé. À l’os presque. L’épaississement vient surtout d’une diversité nouvelle dans les compositions, reléguant le post-punk morbide initial à l’arrière-plan pour quelque chose de plus extatique avec force harmonica, saxophone, claviers et cordes patraques. Un peu comme si The Drin avait abandonné un temps le béton de Cincinatti pour la campagne environnante. Mais attention, la campagne de The Drin n’est pas forcément tranquille et accueillante et il se passe des trucs pas clairs dans l’ombre de la canopée.
Elle sent le bayou et le souffre.

Cette fois-ci, ça commence façon psychédélique avec Bascinet et sa richesse instrumentale vigoureuse qui s’oppose aux voix noyées et à la pulsation exténuée. Ça pourrait être positif si la déclamation d’outre-tombe de McCartney ne venait ruiner le tout. Une opposition encore plus marquée sur l’éponyme, très psych-rock tout autant que post-punk avec son orchestre qui court droit devant. Tomorrow’s Just Laughin’ convoque 16 Horsepower sans qu’on l’ait vu venir. Petite chorale sous peyotl, on voit bien que tout est toujours bien cramé.
Au bout de trois titres, on comprend donc que The Drin a muté mais ça reste néanmoins toujours aussi intrigant et magnifique. Plus loin, Tigers Cage envoie ses riffs très classiques se frotter à une valse triste de fin de soirée, Persistence et sa vibration atmosphérique finissent d’effacer les repères quand Δεν Είσαι, Εντάξει touche au très étrange et jusqu’à l’ultime et très long No One Knows For Sure/Prato Della Valle qui abandonne son ossature en cours de route, on reste sur de l’incertitude et du flou. Alors il me semble que tout est un peu moins charpenté, moins ouvertement dub larvé/post-punk mais l’humeur générale n’est toujours pas au grand ensoleillement. Ici, on gratte toujours ses plaies pour atteindre l’os, les yeux restent embués de vapeurs psychotropes et la doxa mortifère reste in fine la même.
Tout cela fait d’Elude The Torch un patchwork très intriqué et toujours génial de petits bouts de ci amalgamés à des particules de ça, Joy Division y côtoie Pere Ubu, The Fall des tribus hippies perchées et ça donne quelque chose de très actuel et qui ne ressemble qu’à The Drin.

Tout était dit sur la pochette : six silhouettes noires indissociables dans une jachère à l’eau forte. C’est exactement ce que j’entends quand je déambule inlassablement dans les méandres de ce disque hanté.

leoluce


		
	

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