Aride, abstrait et très contemplatif, Sombre porte très bien son nom. Pour OLO, le soleil n’est plus qu’une étoile morte et la chaleur, une vague sensation. Son ambient(-black-doom) s’inscrit dans le temps présent, elle joue avec le silence, la lenteur, se montre insaisissable et infiniment jusqu’au-boutiste. Elle se dévoile d’abord via un drone esseulé qui dure puis se subdivise et reste encore longtemps ainsi : deux ondes superposées aux variations infimes. Une basse finit par apparaître mais elle ne désagrège pas le tissu, elle l’ornemente juste. Le plus important restent ces deux ondes. Un violoncelle s’ajoute sans que rien ne soit beaucoup plus perturbé. Un mouvement se crée, c’est imperceptible et on n’est pas loin de l’immobilité. Pourtant, sans qu’on n’y prenne garde, la basse a pris les devants et trace de drôles de brisures et puis, rien, c’est déjà fini. Enfin, déjà, le tout a quand même duré un quart d’heure.
Ça s’appelle Nuit Froide et il y a effectivement beaucoup de ça dans ce quart d’heure d’ouverture qui assume sa lenteur. C’est presque un manifeste. Pas une once de surenchère, rien qui prend par la main et il faut accepter de ne pas savoir où va le morceau. Chez OLO, on joue ce qu’on a en tête mais on laisse l’auditeur se débrouiller par la suite et faire ce qu’il veut de ce qu’il reçoit. Pour un peu, le titre en dirait presque trop.
Et une fois que les synapses sont au diapason du mouvement très lent, quelque chose se passe. Sombre ne fait naître aucun plan séquence derrière les yeux ni aucune image, c’est plus une affaire de sensations, d’émotions emberlificotées les unes aux autres et en cela – et contre toute attente – il accapare.
Le long drone esseulé qui ouvre le disque ne fait que préparer la suite, il permet d’entrer en résonance avec le disque et une fois que la connexion est faite, ce qui apparaissait si abstrait, si aride au départ dévoile toute sa finesse. Les circonvolutions majestueuses d’Aurora – drastiquement bloquées dans l’infra-zone, les quelques notes de basse qui déambulent en prenant leur temps, augmentées de quelques effets qui altèrent leur course – s’estompent sans un bruit. Entre les deux bornes de silence qui délimitent le morceau, une nouvelle fois, on ressent beaucoup.
Eaux Troubles peut s’enorgueillir de quelques stridences mais le mouvement reste lent. On y perçoit quelques gouttes de pluie, les notes grondent, s’étirent de plus en plus et de plus en plus fort, le drone devient doom et le morceau, tellurique. OLO manipule l’épaisseur, passe d’un parterre pelé à un tissu d’ondes foisonnantes et encore une fois, quelque chose se passe. La tête sous l’eau, les vagues qui se fracassent au-dessus et le bruit qui emporte tout, même le morceau à la toute fin.
Alors bien sûr, dans ce cas précis, les mots ne servent à peu près à rien et mieux vaut écouter Sombre et accpeter de se perdre dans sa construction au cordeau. Néanmoins, sans doute est-il important de dire qu’OLO est le projet d’une seule personne qu’on ne présente plus par ici : Loïc Grobéty. Qu’OLO n’a que peu à voir avec Convulsif mais n’en reste pas moins saisissant bien que frayant dans un tout autre registre. Peu importe puisqu’on y retrouve exactement le même talent pour sculpter les ondes et tordre le chaos.
Sombre succède à Cri (2017) – qui lui aussi portait très bien son nom – et se montre moins harsh mais son introspection actuelle a tôt fait d’habiter la nôtre.
Certes Sombre mais surtout brillant.