Noir Boy George – Noir Boy George

Date de sortie : 22 avril 2023 | Label : Replica Nova

Cinq pauvres morceaux et puis s’en va. Le truc tourne à 45 tours par minute, c’est écrit au dos et c’est peut-être la chose la plus lisible d’ailleurs. On sent que le ruban de la machine à écrire a fait la guerre, l’empreinte des lettres ménage pas mal d’incertitudes. Enfin, on peut reconnaître des mots quand même, des choses du genre « enfonce tOI avec moi““““““ car au bout de cette rue noire il Y aura » ou « la prochaine invasion naZi » par exemple, voire « comme alan Vega (new york 97 mix) » , ce qui est plutôt bien vu car le titre sonne exactement comme Alan Vega. Noir Boy George, c’est essentiellement un synthé qui semble lui aussi avoir fait la guerre, des beat souffreteux et des mots. Des mots qui claquent, tout comme son vieux synthé et ses beat. Du coup, le parallèle avec Suicide et Alan Vega est obligatoire. Si ce n’est que Nafi vient de Metz et qu’on sait l’importance du climat sur la musique : Noir Boy George, c’est un suicide lorrain. Rien de plus peut-être mais, surtout, rien de moins.
C’est quand même pas mal désespéré dans l’arrière-plan, plutôt énigmatique mais aussi très accaparant. Difficile de s’extirper de ces cinq comptines déviantes issues (mais réenregistrées en 2022 pour quatre d’entre elles) de Metz Noire (2011), de Méthadone Mixtape (2023) et d’une discographie pas vraiment pléthorique. Peu importe lorsqu’elle a cet impact. Parce que ça n’a l’air de rien comme ça – un synthé, une voix – mais comme c’est à cœur ouvert et très écorché, tout se passe comme si la musique ne s’adressait qu’à soi. C’est vrai, ça fraie avec le pas net et ça manipule des concepts dont on pourrait se dire paresseusement qu’ils ne sont là que pour choquer (Ton Bébé Congelé en 2011, ce genre) mais pas du tout. On sent bien qu’au bout du bout, c’est pour de vrai et qu’il y a là une forme de romantisme noir, une ironie amère qu’on n’a jamais vraiment envie de prendre à la légère.

Inutile de tout décrire par le menu, la seule chose à savoir, c’est qu’un clavier et une voix ménagent ensemble pas mal de possibilités. Il y a des points communs – la répétition, le son forcément mécanique, la reverb dub flinguée partout, le côté crade, pris sur le vif, le grand cafard et surtout le soin apporté à l’ensemble, qu’il s’agisse de la musique ou des mots – mêlés à des choses plus singulières qui empêchent les titres d’être simplement interchangeables. N’en écouter qu’un seul ne permet pas de faire le tour de Noir Boy George : on sent bien qu’il injecte dans ses instantanés des choses très contrastées puisqu’il y a autant de différence entre Messin Plutôt Que Français et Les Rebelles Sont Tous Morts qu’entre, au hasard, The Dreams et A.H.Kraken.
Ça sonne approximatif mais c’est surtout pesé et donc loin d’être approximatif et c’est bien ce paradoxe qui explique mon attachement sans réserve à ce 45 tours (c’est son premier vinyle) et par extension à tout ce qu’a pu sortir Noir Boy George. Bref, jetez-vous sur la pochette rouge ou blanche parce « qu’au bout de cette rue noire il y aura une rue encore plus noire » et que ça vaut vraiment le coup de voir par soi-même à quoi ça ressemble.

leoluce

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