Date de sortie : 02 septembre 2023 | Label : My Silly Dog Records, version numérique uniquement
Avant même d’avoir jeter l’oreille dans LP#1, on retrouve instantanément le groupe. D’abord, la numération pour seul titre donné au moindre morceau, ce qui permet de retracer l’histoire de Nod Off et par extension de ce LP#1, on y reviendra. Ensuite, il y cette iconographie très particulière qui accompagne la pochette – cette fois-ci, un nain de jardin guitariste et accidenté, plongé dans les feuilles du Disintegration des Cure – rejoignant le mange-disque de l’EP#2 (2020), le manège-jouet de l’EP#1 (2013, le seul ayant bénéficié d’une sortie physique) et le sélecteur de fréquence de l’éponyme (2010). Une imagerie que d’aucuns qualifieraient volontiers de vintage, d’autant plus qu’elle est magnifiée par une photographie soignée. Mais il me semble que pas du tout en fait. Ces objets, ce sont surtout des totems qui définissent parfaitement la musique de Nod Off.
Parce qu’une fois l’écoute lancée, on retrouve instantanément le groupe : la grande alternance, celle qui concernent le chant – toujours partagé entre la voix très habitée de Gaëlle (voix donc) et celle, plus rêche (au début en tout cas) de Fred (voix aussi du coup et instruments) – et le parterre disloqué où le tumulte électrique ferraille avec des gros bouts d’acoustique. Comme si on laissait le poste de radio se balader au gré des ondes pour y picorer des gouttes de morceaux. Et toujours cette pulsation tintinnabulante et ce groove étrange remplis de petites boites à musique désarticulées qui apportent pas mal d’étrangeté à l’instar de quelques nappes funestes bien cachées dans le mix. Enfin, les coques revêches renferment des mélodies prenantes et des emprunts à des styles et des époques qui ont sans doute pas mal tourné dans le mange-disque de Nod Off et tout ça donne un côté tout aussi foutraque que bien rangé à leurs ossatures.
LP#1, c’est tout ça, des morceaux que l’on connaissait déjà mêlés à un inédit (song#17 mais toujours aucune trace de song#6 en revanche), réagencés selon un ordre qui n’a rien d’anodin. Chez Nod Off, on aime bien les nombres mais un peu moins le rangement et c’est très bien comme ça.
C’est là que les titres numéraires prennent leur importance. En se baladant dans la discographie, on repère les époques et les transitions : de song#1 à song#5, c’est avant tout instrumental (à l’exception de song#4 où, pour la première fois, on entend la voix de Gaëlle, un peu lointaine, en retrait derrière les arrangements). Les bases sont toutefois posées et c’est déjà très intéressant. De song#7 à song#10, les voix sont systématiques mais encore un peu en retrait. À partir de song#12, le groupe a achevé sa mue, tous les éléments de sa musique se sont étoffés et se trouvent désormais projetés au premier plan.
Un épaississement qui a pris son temps, incorporant de la variété dans les arrangements, dans les instruments (la guitare acoustique et la batterie des débuts ne sont plus seules), dans les emprunts disséminés ici ou là (il y a du Fugazi là-dedans, du Moonshake aussi, du Cop Shoot Cop voire du Firewater – les inflexions de voix de Fred parfois – et même du Lisa Germano et j’arrête là ce name-dropping inutile), dans les intentions même de Nod Off et qui donne ce LP#1 d’autant plus racé qu’il parcoure le temps long.
Tout à la fois sauvage et apaisé, de guingois et tiré au cordeau, solaire, étrange ou triste à mourir, Nod Off construit quelque chose qui n’appartient qu’à lui. Les morceaux se succèdent selon un lien que l’on repère bien à l’écoute, un lien qui les fait sonner différemment via leur association nouvelle à ceux qui les entourent et on a souvent l’impression de les redécouvrir : c’est grinçant et poétique, ça ne va jamais de soi mais ça coule de source, c’est écorché mais aussi plutôt accorte et si ça touche par son évidence, ce n’est jamais simple non plus. LP#1 est loin d’être une simple compilation de choses déjà entendues, c’est un vrai album qui ménage son lot de lignes droites, de bifurcations et d’accidents qui n’en sont jamais vraiment, il montre une belle épaisseur propice à l’exploration.
Évidemment, il mériterait une sortie physique pour au moins offrir au nain de jardin un plus grand espace. Pour l’heure, ruez-vous sur leur bandcamp (avant que la plateforme ne disparaisse pour de bon) et appréciez la moindre occurrence puisqu’il n’y a, chez Nod Off, vraiment rien à jeter.
En attendant que le duo y rajoute d’autres numéros et d’autres totems.
leoluce
Superbe chronique leoluce bien écrite. Je croyais que j’étais le seul à écouter et apprécier NOD OFF,avec Thierry aussi.
Rien de tel pour remotiver ces 2 énergumènes plein de talent, afin de les faire sortir de leur « Grotte » et de prendre du plaisir en jouant.
Pleins de bonnes choses pour la suite.