D’emblée, Curse éparpille ses gros éclats contondants dans toutes les directions et le premier gros fragment que l’on reçoit en pleine poire frappe comme une évidence. On connait cette voix. C’est celle de Tom Glose, auparavant croisée chez Black Elk. Du coup, mon cerveau n’a rien trouvé de mieux qu’associer les deux formations et la première écoute d’ILS n’a pu se faire qu’à l’ombre noire des premiers dont on identifie bien quelques réminiscences rageuses ici et là.
Du coup, si mon mon cerveau n’a pas complètement tort, il ne fait aucun doute après quelques écoutes qu’il n’a pas non plus complètement raison. ILS a un truc bien à lui et si sa très maîtrisée mixture mêle noise-rock, metal et mathcore comme chez Black Elk, il l’équilibre différemment. Chez ILS, la fureur l’emporte constamment sur la lourdeur, y compris lorsque le groupe suspend sa course effrénée vers l’avant en trépignant et en arrachant tout l’espace (Don’t Hurt Me). En outre, on identifie quelques accents stoner, des plans lourdement heavy et des particules de groove qui viennent régulièrement perturber l’azimut unsanien et furibard que ces quatre-là tracent à l’acide depuis Portland. Bref, un drôle de truc tout à la fois tangentiellement moche et bizarrement sexy.
Et puis il faut bien reconnaître qu’un quart de groupe ne saurait suffire à le définir tout entier. Si on a bien compris d’où venait Tom Glose, les trois autres baignent également dans le Portland underground versant indie-rock nerveux , space rock ou stoner – The Days, The Nights (Nate Abner, guitare), Passerby (Tim Steiner, batterie) ou White Orange (Adam Pike, basse) – et on voit bien comment tout cela se retrouve encapsulé dans Curse.
Dix titres relativement courts et qui filent comme une balle. Difficile d’identifier les apports de chacun à l’irascible mixture mais on peut d’ores et déjà dire qu’ils se sont bien trouvés. Dès Bad Parts, les neurones se retrouvent embrigadés par les flots de rage qu’exsude le groupe à grandes eaux : ça va vite, ça tabasse et la voix de Tom Glose, impressionnante, intervient pour une bonne part dans toute cette entropie furieuse (chant clair, râle d’hyène, cris de goule, colère, tout y passe et le registre semble infini). La basse enclume, le lexique de la guitare s’étend du labourage consciencieux aux incisions chirurgicales, la batterie tape sur tout ce qui bouge et tout ça mis ensemble dessine de très bons morceaux : Bad Parts, Curse, Whitemeat ou For The Shame I Bring ne se contentent pas de simplement tout bousiller, ils explorent aussi et, ce faisant, on sent bien qu’ILS se cherche encore un peu.
Ce n’est qu’un premier album, il ne faudrait pas l’oublier et si la variété y est de mise, il y a une pointe de monolithisme à l’œuvre là-derrière qui domestique la folie. Du coup, on se dit parfois que le groupe gagnerait à ouvrir encore plus largement ses brèches pour laisser remonter le groove entraperçu ici et là afin de rendre l’amalgame encore plus irrésistible qu’il ne l’est déjà. Mais je pinaille sans doute.
Qu’on ne s’y trompe pas néanmoins, ces dix titres sont d’une telle trempe qu’il est très clair qu’ILS maîtrise parfaitement son sujet, ce qui promet pour les déflagrations à venir.
Pour l’heure, il y a Curse et c’est déjà son meilleur album. Ou en tout cas, un réel incontournable.