Toujours excédé et toujours désespéré, Art Of Burning Water enchaîne les split en ce moment. Avec Famine, Nervous Mothers et donc, ici, Harrowed. Tous parus ou à paraître, tous composés de morceaux ultra-courts et ultra-violents. Une minute en moyenne et basta. Tabassage systématique, lourdeur extrême, cris d’hyène en furie, basse démonte-pneu et guitares psychiatriques.
Du côté d’Art Of Burning Water, rien ne change : c’est toujours la même sidération qui accompagne l’écoute. Let Me Let You Finish reprend plus ou moins les choses là où Living Is For Giving, Dying Is For Getting les avait laissées, dans le caniveau, tout près des égouts, un couteau planté au beau milieu du dos. La guitare cisaille les fondations en balançant partout ses riffs-tronçonneuses, la batterie fait ce qu’elle peut pour ne pas se casser la gueule dans sa course désespérée vers la sortie du morceau et la basse ensevelit le tout, au diapason d’une voix qui éructe des stridences systématiquement glauques. Cholo qui le suit immédiatement est beaucoup plus lourd et beaucoup plus répétitif. Complètement doomy-plombé, parfaitement éreinté. If I Know Now What I Know Then amalgame les deux premiers , les riffs démoniaques de l’un avec la lourdeur de l’autre. Le résultat est puissamment malfaisant. Au final, cinq petites minutes suffisent au trio pour flinguer la journée et imposer ses idées noires et féroces.
Inutile de compter sur Harrowed pour redresser la barre. Eux n’éructent que deux titres, ils sont certes un poil plus longs mais malheureusement tout aussi violents. On ne connaissait pas ce trio du Kent qui aime balancer de grosses doses de metal dans son hardcore. On pense à Cursed, Trap Them, voire à du D-beat saupoudré de poussières d’Entombed. Leur premier album de 2013, Into Inferno, mérite d’y jeter une oreille pour celles et ceux qui voudraient creuser la question. Quoi qu’il en soit, Twenty Ten et Confined ne dépareillent pas aux côtés du triptyque d’Art Of Burning Water. La voix est simplement plus charpentée, moins vicieuse, tout comme l’ossature des morceaux : départ pied au plancher puis gros coup de frein et reprise sur les chapeaux de roues pour finir droit dans le mur. Le tout accompagné d’une belle collection de stridences suraiguës pour finir d’achever les neurones.
Une fois le dernier vrombissement expulsé, on remet prudemment le disque dans sa pochette en se disant qu’il ne faudra pas oublier de l’oublier. Mais voilà, comme toujours, on s’y laisse prendre : tout ce qui vient après sonne trop positif et pasteurisé et on finit par attendre impatiemment la suite (qui ne devrait pas tarder et prendre la forme d’un LP pour Art Of Burning Water). La musique des londoniens représente toujours ce truc définitif qui trouve en Harrowed un parfait compagnon de jeu. L’un révèle l’autre, l’autre n’enfouit pas l’un.
Un bel équilibre à bien y regarder.