Girls In Synthesis poursuit sa course déterminée et sort son premier album, crânement intitulé Now Here’s An Echo From Your Future. Facile, en ces temps pour le moins dégueulasses, d’avoir une vision de l’avenir qui rejoint exactement la leur. Le trio joue dur, le trio joue noir, flingue l’espoir et va droit dans le mur. Son punk abrasif originel a gardé toutes ses échardes même si ces dernières structurent désormais l’intérieur des morceaux et ne se contentent plus d’en tapisser exclusivement l’extérieur. C’est devenu pas mal post dans l’intervalle mais ça reste très vitriolé encore et la grande urgence insurrectionnelle perdure.
À l’origine, le disque devait sortir en mai et on sait bien pourquoi tout s’est cassé la gueule. Peu importe, au moins, on a pu se familiariser avec lui. Non pas que son assimilation demande tant de temps que ça mais je crois être en mesure de dire qu’il ne s’épuise pas. Agressifs, très contrastés, les morceaux ne prennent plus par surprise comme ils le faisaient auparavant mais sautent encore méchamment à la gorge.
O.K., c’est toujours un peu la même chose mais ça agrippe et les déflagrations déclinent drastiquement les couleurs-étendards du trio. On retrouve le nuancier un peu arty mais néanmoins marqué allant du blanc au gris et du gris au noir. Les traits principaux déclinés sur les multiples singles, EP et consignés sur la gargantuesque Pre/Post : A Collection 2016-2018 sont tous là, à leur place, mais tout se passe comme si on découvrait Girls In Synthesis pour la première fois. Car Now Here’s An Echo From Your Future n’est pas une compilation, c’est un album. Un truc structuré, avec un début, une fin et une multitude de bombinettes écorchées coincées dans l’intervalle et un punk qui ne dévie pas d’un iota de l’entame à l’épilogue.
De prime abord, on se dit que l’écho promis par le titre pourrait se résumer en deux mots : No Future. Mais à bien y regarder, Girls In Synthesis n’est pas aussi drastique. Pour eux, il y a bien un futur mais il craint. Pressure, Scrapped, Set Up To Fail, Human Frailty ou Tirades Of Hate And Fear, un simple coup d’œil aux mots du trio suffit à cerner sa doxa.
Pas d’ironie, encore moins de cynisme et des morceaux hirsutes qui griffent et tabassent. D’emblée, c’est Arterial Movements et c’est plutôt bien vu de commencer par lui puisque qu’après seulement quelques secondes, il tachycarde déjà. Pressure et The Images Agree insistent encore. Voix urgentes, coups de boule caoutchouteux, guitare incisive, larsens partout.
Il faut attendre Scrapped et surtout Human Frailty pour que ça s’apaise. Alors, c’est certes un peu moins pied au plancher mais ça fait mal quand même. Les gerbes de punk en mettent partout et les larmes sulfuriques coulent en dedans pour provoquer des trous fumants sur les plaies.
Après, ça reste aussi profondément anglais. Il y a une sorte d’élégance coincée là-dedans, un spleen aussi, en filigrane et une déclamation parfois presque popisante (Set Up To Fail) qui arrondie très légèrement les angles. C’est aussi pas mal exploratoire quand Girls In Synthesis convoque trompette flinguée (Set Up To Fail encore ou Tirades Of Hate And Fear) et bidouillage flou (Coming Up For Air mais aussi tous les autres morceaux) pour balancer quelques pincées d’étrangeté sur le chaos ambiant. Du coup, le groupe ne se contente pas de balancer uniquement les potards dans le rouge, il nuance aussi, réfléchit, tente des trucs qui souvent font mouche.
Revêche, renfrogné, écorché mais aussi très prenant, Now Here’s An Echo From Your Future impressionne.