Date de sortie : 07 février 2025 | Labels : Trouble In Mind
On continue dans le noir, le blanc et le gris. En ce qui concerne les pochettes en tout cas. Pour celui-ci, une main, deux yeux et un damier qui se prolonge à l’intérieur. On retrouve quelque part la palette chromatique de Negative Houses (2018) sans le liseré doré. Envolées, les couleurs de tous les suivants. Est-ce que cela coïncide avec le retour de Jonathan Van Herik à la basse (qui sonne très The Sound) ? Difficile à dire mais comme FACS a toujours été un groupe réfléchi (et ce n’est certainement pas le bon mot), je me dis qu’il n’y a pas de hasard.
Pour le reste, j’ai toujours eu du mal à écrire des mots sur ce que me procure la musique du trio. Je la trouve extrêmement compliquée à décrire. Rien n’y est droit et pourtant, elle s’avère assez rigide. Impossible de confondre l’un de leur morceau avec celui d’un autre groupe. FACS joue du FACS et il est bien le seul à jouer ce qu’il joue. C’est leur sixième album (officiel hein, il y a d’autres trucs, notamment des captations live) et bien que l’on puisse déceler quelques différences de sons et d’ossatures entre eux, la patte demeure exactement la même. Mouvante, voilée, de guingois, toujours étrange. La basse bloblote, la guitare est désaxée, la batterie, très fine et la voix, évaporée. Les morceaux finissent souvent là où ils ont commencé, dans l’éther où les ondes s’empilent et se défont, souvent sans qu’on y comprenne quoi que ce soit.
On retrouve tout cela dans Wish Defense. Alors c’est vrai qu’il a été en grande partie enregistré par Steve Albini (décédé le dernier jour de la captation et du mixage, Sanford Parker ayant poursuivi via l’ajout de quelques overdubs à la toute fin et de quelques voix si j’ai bien compris) et que cela s’entend. La batterie de Noah Leger est sèche comme un coup de trique, la voix de Brian Case, mise en avant, apparait comme amputée de ses effets, la guitare est resserrée et la basse sonne comme une masse. Mais pour tout le reste, c’est incontestablement du FACS et j’en reviens donc à la difficulté de décrire ce que j’entends et encore plus ce que ça provoque.
C’est une musique en bulles de mercure, tout à la fois légères et plombées. On y décèle quelque chose qui renvoie aux abstractions de PIL me semble-t-il ou un truc avoisinant mais dans le même temps, c’est assez terre à terre tout en étant complètement exploratoire. C’est compliqué à siffler sous la douche pourtant les mélodies sont bien réelles, mais elles se montrent toujours aussi ondulées, déformées et aériennes.
Prenons par exemple Ordinary Voices, le deuxième morceau de Wish Defense qui débute par un mur de guitare lancinant avant que la rythmique ne structure le tout et laisse la place à la voix plus-parlée-que-chantée. L’ensemble bute alors sur le silence et rebondit en arrière pour tout de suite reprendre sa course en avant et bloquer au même endroit avant de revenir en arrière. L’apex de la guitare décrit une trajectoire hyper angulaire et pourtant tout est rond. On retrouve cette dynamique arrondie sur Sometimes Only qui déploie un maelström transcendantal où la basse désarticule l’enchevêtrement guitare/batterie. Voilà deux titres prototypiques de FACS mais pour tout dire, les autres sont du même acabit.
Parfois, c’est le couple basse/batterie qui trace (ou efface) la route (l’éponyme), à d’autres moment c’est la guitare (A Room, à quelques doigts de Can ou l’ultime et très désarticulé You Future) et dans tous les cas, on est un peu paumé. Tout se ressemble mais pas du tout en fait. C’est répétitif mais ça aime prendre les chemins de traverse et on erre mais sur un chemin balisé où les balises disparaissent. Impossible de dire si c’est mieux ou moins bien que les précédents, c’est tout pareil et toujours différent. C’est juste une occurrence supplémentaire qui ouvre encore la focale d’une discographie géniale et empêche la mise au point.
Comme à l’habitude, peu d’indications sur la pochette où apparaissent néanmoins cette fois-ci les paroles (pas la tracklist), pas de livret intérieur, quelques indications sur la sous-pochette mais ce qui ressort surtout, ce sont les cases. Comme celles d’un échiquier. Je trouve que ça leur va bien.
leoluce