Evan Caminiti en est à son sixième album et, pour être honnête, la majeure partie de sa discographie est étrangère à l’auteure de ces lignes. Là où on le connaît un peu mieux cependant, c’est au sein du groupe qu’il forme avec un confrère tout aussi brun et barbu que lui, du nom de Jon Porras. Barn Owl donc, dont le dernier album comptait parmi les plus passionnants de l’année 2013 et dont les lives ne s’oublient pas facilement, voit depuis longtemps ses deux membres construire des projets solo conséquents. Après le récent Light Divide de Porras sorti en mars dernier, Caminiti réalise Coiling, élaboré à partir de pièces composées sur ces deux dernières années. Annoncé comme un avant-goût d’un album à venir en 2015, le disque n’en est pas moins une création à part entière, courte mais autonome, et particulièrement délectable.
Coiling ne porte ni complètement sur l’ambient, ni vraiment sur le drone, ni sur une forme plus rythmique de musique électronique. Pourtant, le Californien mobilise le tout, jouant sur les fréquences grésillantes, égrenant les battements comme autant de signaux électriques dérégulés et tapissant l’espace de couches lancinantes. Les éléments se fondent les uns dans les autres comme pour nous empêcher de distinguer les subtilités de l’imbrication. Tranchant avec le plus lumineux et superbe Dreamless Sleep sorti en 2012, les composantes mélodiques s’articulent dans une infinité de variations charbonneuses, tandis que les orages de textures se parent de chatoiements stellaires. Si le rendu peut se prévaloir légitimement d’une écorce organique, presque orchestrale, la trame du disque se situe sur le terrain mécanique, du côté de la machine, de la répétition stoïque et de l’enchainement implacable.
Comme en d’autres lieux Caminiti se plait à ancrer ses titres dans des logiques répétitives, dessinant des tunnels âcres de fumées droguées dans lesquels le cerveau s’engouffre lentement, bercé par les palpitations rythmiques, aussi inquiétantes que régulières. Starve et ses syncopes rachitiques, environnées de colonnes de gaz délétère, illustre bien cette volonté de perdre l’auditeur dans des corridors de psalmodies, tout en lui susurrant à l’oreille des promesses tentatrices. A cette ambivalence répond justement le titre qui suit, Tied Limbs, à l’image d’une autre facette de l’album, celle qui ne s’embarrasse pas de paradoxe et qui plante dans la poitrine la pleine beauté des nappes mélodiques. Quant à Night Phase, qui clôture l’album avec des visions d’animal-mirage plongeant dans le noir velouté d’un bord de route, il réconcilie l’hypnose poisseuse et la majesté surplombante. Cette description des trois derniers morceaux du disque – ça aurait pu être les trois premiers – pour insister sur la substance attractive, singulière et admirable dont il est fait.