FWF pour Fabien W. Furter, Nancéen ayant modelé son rapport à la musique sur les bancs du conservatoire (d’abord Rochefort puis Nancy où il explore le violoncelle) dont il s’affranchit radicalement, en rejetant les ornières stylistiques (ses « diktats esthétiques« ) en fondant Wheelfall, groupe stoner aux accointances doom bien marquées ayant témoigné de sa vision de l’Interzone en 2012. Puis nouvelle rupture qui nous emmène en 2014 et dans les méandres d’Incipit Contradictio, premier E.P. forcément court (quatre titres) mais vraiment prenant, frayant dans les marécages incertains d’une ambient industrielle aux multiples accents mais à la couleur homogène. Ici, c’est le noir qui prédomine. Et même plus. Il ne prédomine pas, il règne. Il s’insinue. Il recouvre tout. D’ailleurs, la seule écoute de Cast This Skin, premier morceau tarabiscoté qui empile les idées et les sons jusqu’à atteindre une vénéneuse densité, devrait suffire à flinguer les quelques rayons de soleil qui transpercent l’hiver moribond. Un vent mauvais, un carillon inquiet, des percussions tribales, des nappes synthétiques maousses, une multitude de sons qui rampent sous l’ossature et la belle journée va bien vite se recoucher. Et lorsque de lourds riffs viennent appuyer le tout, le clavier sur lequel on pianote traverse la table, écrase nos pieds et s’enfonce bien vite dans les fondations sous l’effet de la gravité.
Lie Agreed Upon, plus court, garde toutefois cette même humeur renfrognée et tisse en quelques notes de piano solennelles une belle toile arachnéenne. La musique de FWF devient alors plus aérée mais garde son aura glacée et se montre toujours plus vénéneuse. Only Interpretations est sans doute le morceau le plus disloqué du lot, le plus industriel aussi et s’amuse à perdre le rythme à l’orée de la pulsation. Cette fois-ci, Incipit Contradictio revêt l’armure mécanique d’un Author & Punisher enregistrant la lente agonie de ses machines bien plus que leurs cris primaires. Enfin, expérimental, s’ouvrant très justement sur quelques secondes de silence, trafiquant ses field recordings pour les faire sonner synthétiques (à moins que ce ne soit l’inverse) et dessinant un patchwork de dissonances constituant un tout cohérent, Silence vient clore joliment l’ensemble. C’est extrêmement maîtrisé, tout le temps accaparant et ça donne l’envie d’entendre sans attendre la suite. Un premier long format est d’ailleurs prévu dans l’année et, à l’écoute de cet intrigant E.P., il ne fait aucun doute que l’on devrait alors reparler de FWF.
Pour finir, je ne saurais trop vous conseiller de jeter une oreille sur sa tellurique relecture du Fisheye des tarés de Shining. Pas tout à fait une relecture d’ailleurs, plutôt une amorce. Un peu comme si FWF était à l’origine du morceau ou s’il avait voulu s’approprier le fameux « plagiat par anticipation » théorisé par Pierre Bayard puisqu’il devient clair à son écoute que Shining lui a tout piqué.
Brillant.