Sur le thème « I want to drive you through the night, down the hills – Vous mettez cet album dans l’autoradio et vous conduisez toute la nuit. Pour aller où ? Là n’est pas la question… » de la 8ème édition du Grand Jeu sans Frontières des Blogueurs Mangeurs de Disques.
Separating Day And Night s’ouvre sur des ondes dont on aimerait qu’elles ne s’arrêtent jamais. Elles constituent sans doute la partie la plus charnue d’un disque par ailleurs complètement pelé. Un disque dont les armes on ne peut plus minimales provoquent nombre de remous en profondeur. On n’est jamais loin du murmure et pourtant ces paroles intimes déclamées sans passion excessive s’avèrent très vite passionnantes. La musique de BLACKTHREAD doit beaucoup à ce phrasé singulier, didactique et monocorde, à cette façon si particulière de balancer des mots à poil, les habillant tout au plus d’une fine couche de silence. Ils claquent et résonnent longtemps, même bien après qu’ils aient été prononcés, habitant chaque parcelle de vide. Ils sont l’élément central, le pilier autour duquel le reste s’articule. Le reste s’avère d’ailleurs tout aussi sec : quelques nappes enveloppantes, une basse économe, des poussières de clavier et c’est bien tout. Mais là aussi, le silence détache chaque note des autres, la fait voler dans l’air où elle finit par rester en suspension. En suspension, Separating Day And Night l’est tout le temps. Et l’auditeur est suspendu à ses lèvres. Car il n’a beau être habillé de rien et peser le poids d’un courant d’air, le disque est avant tout extrêmement consistant. Dense, captivant de bout en bout, il n’a pas son pareil pour reconfigurer l’espace et le temps qui l’accueillent et une fois que l’on a croisé l’empan de ses ondes énigmatiques, on adopte très vite sa respiration singulière.
Derrière BLACKTHREAD se cache Pierre-Georges Desenfant. Déjà repéré chez One Second Riot où il tenait la basse et le micro, sa nouvelle incarnation solitaire s’en détache fortement mais en garde aussi quelques traits seyants : l’économie, l’envie d’être au plus près de l’os, d’éliminer les fioritures. Point de noise-rock hypnotique ici mais de l’hypnotique simplement. D’une infinie délicatesse (que l’enregistrement de Christophe Chavanon met parfaitement en lumière), souvent déchirant voire bouleversant, on a bien du mal à définir Separating Day And Night. Il montre une certaine orthogonalité héritée de la noise janséniste qu’il a pratiquée auparavant mais aussi beaucoup d’accents drone dus à ce bourdon omniprésent et éthéré qui le rapproche parfois d’une ambient solaire à la Windy & Carl (There’s A Nightmare In My Room). Et puis, encore une fois, il y a cette voix et sa diction mi-parlée mi-chantée qui précipite le tout dans des sphères inédites mais néanmoins magnifiques. De Black Hands en ouverture à Back To The Hills, de Old Car à Play It By Ear, on devient très vite captif du clapotis envoûtant d’un disque qui choisit bien plus souvent la nuit que le jour (Life Of Brian est sans doute le plus lumineux du lot). On y entre à pas feutrés par peur d’en casser le fragile équilibre less is more et on le quitte sans faire plus de bruit à moins que ce ne soit lui qui nous quitte car une fois que sa poésie déclamatoire et ses échos enveloppants se sont tus vient le manque. Et l’envie de retourner bien vite en errance à ses côtés.
C’est qu’à force d’effacement, le disque se montre extrêmement intense et accaparant.
Grand.
Même pas peur de rouler dans le noir et sans feux!
Merci pour ta participation & à très bientôt pour de nouvelles aventures.
A vous lire je discerne des nuances qui m’auraient sûrement échappé mais je trouve ce Pierre Georges plus angoissant qu’hypnotique.
Moi j’ai un peu peur quand même … La pochette, très lumineuse, est trompeuse !
Merci pour les aventures …
Encore une énième découverte faite ici, ça en devient habituelle !!! Même si je trouve cet album intéressant, je ne crois pas qu’il serait un de mes « disque de route » idéal !!!
Magnifique pochette à la photo énigmatique et d’une obscure clarté semblant sortir d’un film de David Lynch…..J’imagine que c’est intérieur « cubiste » de la maison du paranoïaque et schizophrène héros de « Lost Highway » !!!
A +
Belle pochette également…et merci pour (toutes) les découvertes!!!
Musique pour un long, tres long, tunnel ? J’avoue des fois me perdre chez toi, me faire un peu peur, mais c’est une belle expérience. Merci d’éclairer mes frontières.
superbe choix, merci leoluce.