Date de sortie : 20 septembre 2024 | Labels : Abréactions Productions, Araki Records, Bigoût Records, Day Off Records, Muzotte et Vox Project
Aux saisissants moutons de l’éponyme (2022) succèdent désormais les cactus de Deux. Alors je ne suis pas dans la tête de Raphaël Aboulker (batterie) ou Benjamin Munier (basse) mais je me demande tout de même s’il ne s’agirait pas d’un autoportrait. En tout cas, c’est comme ça que mon cerveau vieillissant se les représente quand la musique de Boucan résonne quelque part (ce qui arrive assez souvent en ce moment). Si vous connaissiez déjà, Deux ne vous prendra pas par surprise puisque c’est, en gros, le prolongement du premier. Si vous ne connaissiez pas, rapide descriptif : Boucan est un duo basse & batterie de Lyon qui file un noise-rock (aux accointances math) retors particulièrement inspiré (et il en faut de l’inspiration pour survivre dans la marre encombrée). Au menu, sept titres forcément très secs dans leur instrumentation mais pas du tout dans leurs intentions et c’est toujours un vrai plaisir d’écouter basse et batterie se tourner autour, s’épauler, extrapoler, se quitter et se recoller dans des morceaux aux titres énigmatiques mais plutôt bien vus quand on s’en tient à ce qu’ils provoquent.
On retrouve d’emblée les moutons de l’éponyme via Transhumance mais on sait bien que dans les yeux de Boucan, la migration vers les pâturages n’a rien de tranquille et qu’avec eux, on n’est certainement pas des moutons mais plutôt des enclumes. Matraquées. Ça file droit devant, pas forcément très vite mais résolument. Bien qu’à un moment ça s’arrête. On entend alors les lacérations de la basse esseulée mais dès que la batterie déboule, s’est foutu et une fois que ces deux-là ont repris leur souffle, ils colonisent toute la hauteur du spectre pour exploser la fin du morceau. Une entame qui permet de se présenter ou de rappeler qui on est et ce qu’on joue.
La suite est à la fois identique et différente. Si Deux reprend les grandes lignes de leur galop d’essai, il creuse aussi en profondeur et semble vouloir explorer toutes les possibilités offertes par leur configuration minimaliste et explosive : les ossatures sont à la fois plus directes mais aussi, paradoxalement, plus denses et variées. On savait déjà le duo bien enchevêtré, chevillé mais là, ça va encore plus loin. Les chausses-trappes sont légion, les faux accidents aussi (il n’y a jamais la moindre sortie de route) et le chaos est très bien agencé. C’est élastique et ça claque, quand ça vrombit, ça vrombit vraiment et les brisures et cassures sont tout le temps nettes.
Tout est centré sur ce que ça provoque : Jappeur, par exemple, n’a rien d’un aboiement aigu, en revanche, il vous court après, Idées Noires ne vous fera pas mettre la tête dans le four, le mixeur semble plus approprié, Valse, Entorse prend son temps pour s’enfoncer très bas et malaxer sa folie et pour Sabotage(s), j’entends du Kourgane. Dans ce cadre très resserré, on le voit, il y a beaucoup d’engagement et beaucoup d’idées – le long pas suspendu d’Atonie, les multiples changements d’épaisseur de Cluster, etc. – et je sais gré à Boucan de ne jamais tomber dans les affres de l’équation foireuse.
Deux est ainsi tout à la fois très physique et très cérébral mais ne sonne jamais froid et ne nous regarde jamais de haut et je reste très solidaire du seul cri qui résonne à la toute fin d’Atonie : exactement celui qu’on a envie de pousser face au bouillonnement intérieur que provoque leur flux heurté.
leoluce
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