Håla Duett – Asák

Date de sortie : 14 avril 2023 | Label : Coax Records

C’est vrai, Asák a déjà quelques mois dans les pattes mais peu importe, la matière à l’œuvre là-dedans est tellement insaisissable que je ne suis pas sûr de pouvoir la circonscrire avant quelques années.
Et puis, ça sert à quoi de circonscrire un disque ? Dans le cas d’Håla Duett, précisément à rien. Les morceaux s’accommodent très bien du fait de n’être pas complètement compris. C’est un disque-samā qui tourne comme une toupie et qui, malgré ses répétitions, efface tous les repères. Au bout d’un moment, la tracklist se recroqueville en elle-même pour former un tout indivisible et on se retrouve à ne faire plus qu’un avec les aplats colorés de sa pochette : plus de début ni de fin, plus de frontières, les Touaregs fraient en mer du Nord, le Tchad rejoint l’Europe et la noise se pare de blues, de kraut, de cadences gnawas et de mélodies berbères. D’autant plus que les textes sont scandés tout à la fois en anglais, en haoussa mais aussi parfois dans une langue créée spécialement pour fondre dans la musique, ce qui a pour effet d’en effacer encore plus les pourtours. Asák, c’est un disque-monde à lui tout seul, propice à l’errance et à l’abandon.

Pourtant, les armes sont plutôt minimalistes. Håla Duett est un duo. Au micro et à la guitare, Sheik Anorak. A la batterie, Yann Joussein. Et tout de suite, on comprend mieux pourquoi le rendu est maximaliste. On ne présente plus le premier et pour le second, une simple écoute de son magnifique Keep The Bastards Honest sorti en février chez Coax (dont il est co-fondateur) suffit à le présenter tout entier (je me retrouve souvent coincé dans son You Can Do It introductif).
Des touche-à-tout/ouvert-à-tout qui maîtrisent leur sujet et qui, ensemble, élabore un flux ininterrompu où guitare et batterie sont chevillées l’une à l’autre, martelant, égratignant, explorant, essayant, répétant, variant en permanence. Et au bout du mouvement, la beauté. Toute simple, accaparante, incendiaire : Amon Shia, Kide Na Kidai ou Fassité par exemple marquent par leurs lignes brisées et heurtées qui n’excluent pas mais embrigadent.

Oui, parce que le grand truc à l’œuvre là-derrière, c’est la transe. La vraie. Celle qui fait perdre les repères et donne l’impression que plus rien n’existe en dehors. Écouter Asák, c’est accepter de voir le temps bégayer. Un mot répété à l’envie, un riff qui succède aux mêmes riffs, un martellement qui s’additionne aux mêmes martellements qui ne sont pourtant plus tout à fait les mêmes.
C’est pour ça qu’au bout d’un moment, l’encéphale court-circuite la pensée et tisse paresseusement des lignes qui ramènent toutes aux mêmes lignes. Pourtant rien ne s’aplatit et le disque reste vif jusqu’au bout. Aucune impression de redite : c’est toujours pareil mais c’est toujours inattendu et différent.
Inutile d’aller plus loin et de se perdre en vaine description puisqu’il n’y a rien à décrire. Ce qu’il faut savoir concernant Asák (écoutez aussi Rana à l’occasion) et Håla Duett est tout entier contenu dans sa musique.

leoluce

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