Elastic Heads – s/t

Date de sortie : 15 septembre 2021 | Label : Echo Canyon Records

Pochette rouge sang, vinyle rouge sang (translucide), huit morceaux seulement mais il n’en faut pas beaucoup plus à Elastic Heads pour faire son trou dans la boite crânienne. Dès l’entame, on est déjà pris par ce « garage-death-punk » extrêmement classe et joliment racé agrafant un Crocodiles (venu de San Diego) à quelques Horsebites (basés à Lyon). Ne ressemblant ni vraiment à l’un et encore moins aux autres en étant strictement médian, ce sang sans titre est une belle tranche de rock’n’roll ombrageux nimbé de punk contrit. C’est exaspéré mais pas trop, ça crisse et ça racle raisonnablement, c’est urgent sans être précipité et c’est tout le temps élégant.
Ce qui frappe surtout, c’est le côté tout à la fois instantané et ciselé. On sent bien que les chiens grognent à la porte mais qu’ils se contentent pour l’heure de montrer les crocs : les morceaux sont explosifs sans jamais exploser vraiment et restent en permanence menaçants. Du coup, ça laisse pas mal d’espace pour travailler les détails : les petits bouts de mélodies disséminés partout, les solos qui vont bien, la part belle pour le sang d’encre torréfié à l’anxiété et les senteurs capiteuses de marais asséché et cætera. Elastic Heads semble débarquer d’une faille temporelle faisant la jonction entre les ’70s agonisantes et pas riantes du tout et maintenant, où – soyons honnêtes – on ne rigole pas beaucoup plus. Néanmoins, point de message là-derrière, juste l’envie de se faire plaisir et d’offrir quelque chose qui, de l’objet lui-même à la musique qu’il renferme, est à même de faire rougir tout ce qui l’entoure dans vos étagères.
C’est presque une constante chez Echo Canyon Records, ça. Le côté très pensé et esthète qui caractérise chacune de leur sorties. Celle-ci ne fait pas exception à la règle et on a parfois l’impression d’avoir entre les mains un petit bout d’histoire, comme si la musique renfermait beaucoup plus que ce qu’elle donne à entendre, bien caché dans les tréfonds des fondations. C’est inscrit dans notre époque mais ça se nourrit de pas mal de trucs qui se sont passés avant sans qu’on puisse complètement les identifier (enfin si, quand même, on pense un peu à quelques freaks américains). Elastic Heads n’est pas une réunion d’habiles faiseurs ni un groupe-hommage, juste un ensemble de personnes perpétuant un héritage dont elles-mêmes font partie, croyant profondément à ce qu’elles font, le faisant très bien et c’est bien pour ça qu’on y croit profondément aussi.

En même temps, il faut bien reconnaître que les morceaux sont tellement bien foutus qu’on y adhère sans trop d’efforts. C’est vrai qu’ils portent un pedigree mais sans ça, leur nervosité et leur élégance remporteraient tout de même la mise. Et ça commence très fort via Showers qui, en plus d’ouvrir le disque, pose les bases de tous les morceaux à venir : chant classieux et métamorphe (Charles Rowell qui tient aussi l’autre guitare), guitare urgente (Florent Meyrial), basse psychotique (Antoine le Blanc) et batterie épileptique (Lester) dessinent les contours d’un disque hyper carré et très accaparant. On n’en attendait pas moins étant donné le parcours riche de tout ce petit monde.
La suite est du même acabit, que le chanteur se prenne pour une goule comme les Damned (Pigs), que le groupe appuie sur le côté heavy (Mohair) ou plus psycho-pop (Pass Over), tente un instrumental death-surf fragmenté et irradié (Dream Escape), coure le 100 mètres (Pariah) ou agrafe des accents post à son punk originel (Fatal) avant de rejoindre classiquement le soleil couchant au galop (Get Off), tout tient systématiquement debout alors que les changements d’azimut sont nombreux. Aucun temps mort, aucune baisse de régime, le moteur d’Elastic Heads rugit sans que les morceaux ne ronronnent le moins du monde et en face, on se cale dans leur trajectoire calcinée les yeux fermés.
D’autant plus que l’ensemble a été parfaitement capté (Jean-Pierre Marsal), mixé et masterisé (Bruno Germain), restituant la moindre nuance et préservant les vibrations sous un vernis un peu crade qui donne un supplément de vie à des morceaux déjà bien vibrionnants.
Bref, je ne saurais trop vous conseiller de vous jeter toutes affaires cessantes sur ce petit bout de plastique rouge incandescent et sa très chouette pochette dont on ne sait trop si elle figure les pieds d’un.e dormeur.euse ou d’un cadavre. Étant donné l’impact de la musique d’Elastic Heads, parions sur cette dernière interprétation.

(leoluce)

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