Une batterie, une/des guitare(s), un/des chant(s) : le Hors-Jeu d’HININ se joue à deux et si possible dans le noir complet. Le duo définit lui-même sa musique comme du post-punk à chiens et c’est plutôt bien vu. Il y a un je-ne-sais-quoi qui la connecte à la rue : quelques chœurs hooligans (Duel), une prose d’asphalte et de bunker et des écorchures plein les morceaux, comme s’ils étaient taillés à la serpe dans la matière visqueuse qui recouvre les trottoirs. En ça, difficile de ne pas les rapprocher de LITOVSK : la même urgence, cette façon si particulière d’accentuer le côté punk, mal peigné, presque oi! aux entournures et donc, de ne surtout pas singer.
HININ fraye dans les eaux saumâtres du post-punk non pas parce que c’est à la mode mais parce que c’est la forme que revêt ce qu’il a au fond des tripes quand ça sort de ses doigts. Alors oui, le groupe paye son tribut aux ’80s et à la cold wave mais lui adjoint un souffle très contemporain, très sec et viscéral qui carène ses morceaux et les pare d’un vernis bien crade et brutal qui fait toute la différence. Ça donne l’impression d’être approximatif (mais ça ne l’est carrément pas), de quitter sans ménagement l’encéphale pour rejoindre directement les sillons du disque : la scansion particulière qui ressemble à un aboiement, l’absence totale de fioritures, le côté mal dégrossi dotent l’ensemble d’une belle authenticité qui, dans mon cas, fait mouche.
La batterie martelle, la guitare trace des zébrures glacées et la voix, au milieu, expulse des mots (en Français) qu’on ne peut saisir qu’à la volée : c’est martial au possible, très mince également et le duo ne cherche pas à arrondir les angles. On relève bien quelques claviers ici ou là, des poussières de mélodie disséminées dans la masse mais on distingue surtout le cuir dur, l’air renfrogné et une forme de romantisme noir qui pourrait être risible si elle n’était pas assénée avec une telle conviction. HININ embrigade immédiatement les neurones et congèle les synapses : le temps de sa durée, on vit le disque et on se prend dans la gueule la glue saumâtre que malaxent ses morceaux. On croit à ces histoires de faux-semblants, de relations jusqu’au-boutistes et à ces visions décharnées qui prennent forme derrière les yeux (et qui rappellent de loin Taulard).
Les Corréziens font fort et balancent des choses très bien construites : les textes sont au cordeau, les mélodies, malines et Hors-Jeu a tôt fait de se ruban-adhésiver au cortex. Terrain Vague, La Corde ou Attends La Nuit plus loin marquent autant par leur urgence que leur immédiateté. Une seule écoute suffit à ce qu’ils fassent leur trou et restent là. Au fond, le duo ne fait que confirmer ce que laissaient présager ses deux premiers EP : HININ sait ce qu’il fait et le fait avec une infinie justesse.
Certes, c’est connoté, la voix est sans doute un brin outrée, sa scansion devient même légèrement monotone à la longue mais le bloc monolithique a tout de même une sacrée gueule alors qu’il ne s’agit somme toute que d’un premier album. L’élégante pochette cache ainsi une musique qui a de vraies choses à expulser et n’a donc aucun mal à s’extirper de la marre post-punk toujours plus encombrée.
Chouette disque.
Mais oui, Taulard, je m’étais fais la même réflexion à l’écoute ! Super disque, le dernier de l’année en ce qui me concerne.