Quelques boum et quelques bong pour commencer. « Macho Macho World ». Des gouttes de piano. La voix se démultiplie, elle se retrouve altérée de diverses façons. Une nappe vrillée. Des bruits grouillants et secs à la fois. Et le tout de s’évaporer après quatre minutes seulement. La dernière fois, Mistress Bomb H nous avait laissés aux abords d’une Salle De Shoot en compagnie de Jessica93. On la retrouve aujourd’hui toute seule mais toujours au plus près d’elle-même. De plus en plus près même. Say It Loud : I’m Girl And I’m Proud annonce la couleur dès son titre sans qu’on ait besoin de rajouter quoi que ce soit. Toujours très minimaliste, en quelques sons, son électro plante une atmosphère, un décor. Toujours ultra-personnelle, elle la rehausse parfois d’une guitare, de quelques chœurs ou d’autres trucs glanés ici ou là – « Building work, transports and police watch : curious sounds everywhere » annonce-t-elle – et cela suffit amplement à construire des morceaux qui agrippent durablement. Les collages et amoncellements de Mistress Bomb H s’avèrent de plus en plus ciselés, les nappes-Terminator sont moins omniprésentes (même si on les appréciait beaucoup) et Hélène Le Corre donne l’impression d’avoir ouvert les fenêtres en grand. On le ressent aussi au niveau du chant. Bien plus en retrait qu’il ne l’a été jusqu’ici et parfois même complètement muet, moins altéré aussi, tout en restant l’un des moteurs importants de sa musique, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes. L’électro de combat s’est fortement nuancée, s’est aérée tout en demeurant tendue et implacable. L’humeur générale n’est toujours pas au ripolinage des émotions ou à l’arrondissement des angles. Chaque vignette tient du manifeste et contient son lot d’inquiétude, d’exaspération et d’interrogation. Il en découle un genre de militantisme où l’intelligence et la finesse ne disparaissent jamais sous le poids de la doctrine.
La seule chose que l’on pourrait reprocher à Say It Loud : I’m Girl And I’m Proud, c’est sa trop courte durée. Six titres en tout et pour tout. Avec suffisamment de variations pour résister aux écoutes répétées néanmoins. Peu de rapport entre la vibration orientalisante de l’éponyme et celle beaucoup plus éthérée de Reverse Matter par exemple ou entre la tension du fracturé Jungle Queen et le souffle très mélancolique qui habite le merveilleux MLFMBH. Le propos reste certes le même mais la dénonciation du patriarcat conquérant prend des formes in fine très différentes. Balançant un bon coup de grole dans la gueule des misogynes de tout poil, l’amalgame électro-indus de Mistress Bomb H milite pour l’ouverture et le mélange au cœur même de ses morceaux. En agrafant des bouts d’ici à des fragments de là, en intégrant ce qu’il faut de répétition aliénante dans ses structures mouvantes, en préservant son souffle industriel et ses velléités expérimentales, en n’édulcorant rien, en travestissant encore moins, elle décuple l’impact de sa dialectique. Sa musique se montre toujours plus singulière, toujours plus maîtrisée sans jamais en affadir la spontanéité. Les lames de fond féroces qui la parcouraient sont toujours là mais donnent l’impression d’avoir été domptées et elles s’emboîtent parfaitement dans l’ensemble. On reconnaît immédiatement la patte de la nucléaire demoiselle mais on est bien loin pourtant du déjà très recommandable 9 Pictures. Elle a continué à forger sa musique comme on forge sa propre parole, elle a construit et posé son identité, sa particularité et ce faisant, avec cet album, avec ces six morceaux, elle nous rend toutes et tous fiers d’être une femme. Au fond, l’impact de Say It Loud : I’m Girl And I’m Proud correspond pile-poil à sa chouette pochette : un coup de pied aérien, élégant et destructeur.
Très fortement recommandé.