Rafael Anton Irisarri n’est plus vraiment une figure à présenter. Le mec est l’une des personnalités les plus respectées – à juste titre – au sein de la sphère des musiques ambiantes. Il a contribué à maintes reprises à la renommée de l’excellent label Room40, ou d’Umor Rex plus récemment. Tout ce que l’américain produit défonce, même s’il me faut souvent une bonne dizaine d’écoutes avant d’apprécier ses albums pleinement. Construits par pics d’intensité autour desquels gravitent cependant des errances parfois un poil moins pertinentes, j’ai toujours abordé ses long formats avec une curiosité intarissable, tant la confiance que j’ai en Irisarri est aveugle.
On va pas se mentir, l’album dont il est question aujourd’hui n’est pas son meilleur. En tout cas pas celui que je préfère. Beaucoup plus introspectif, les premières écoutes m’ont d’abord laissé un arrière goût d’inachevé. Bosser en même temps n’était peut-être pas la meilleure des idées, l’essai est plus exigeant qu’il n’y paraît. L’album se base sur l’horloge de l’Apocalypse, symbole de l’imminence d’un cataclysme à échelle planétaire. Cette horloge affiche depuis le 26 janvier dernier, 23h58. Minuit signant le potentiel tirage de rideaux.
De ce climat alerte et morose naît Midnight Colours, bande originale d’un film de 4,5 milliards d’années qui prendra fin sous les bombes. Aude à un fatalisme joyeux, ou critique d’un crépuscule refoulé, Midnight Colours est le témoin du feu d’artifice multicolore à venir. Le recueil est souvent grave, parfois teinté d’optimisme, hésite. C’est dans ce climat d’incertitude que l’album tire toute sa force évocatrice, et touche au plus profond. Drifting est selon moi l’apogée de l’album, titre le plus représentatif du discours. Une force tranquille en dérive mais bouillonnante en son coeur, sur le point d’éclater. Le calme avant la tempête. Le truc me rend fou, c’est d’une beauté à creuver.
Rafael Anton Irisarri signe un album plus difficile à apprivoiser que ses précédents travaux. Moins expressif, cependant plus texturé et relativement riche, Midnight Colours n’en reste pas moins un excellent cru, prenant tout son sens grâce au contexte dans lequel il s’exprime, et avec cette justesse émotionnelle sur laquelle il est toujours délicat de poser des mots. Au jour du bonheur, sois heureux, et au jour du malheur, sois heureux aussi. Car le siècle numéro 21 pourrait bien être le dernier de la série.